« Ce sera tout pour aujourd'hui. N'oubliez pas de relire le chapitre 4 pour la semaine prochaine. » Darius referma son carnet de notes d'un coup sec, un sourire satisfait aux lèvres, alors que les élèves s'échappaient déjà pour vaquer à leurs occupations. Chaque fin de cours se scellait pour l'anglais par un rituel : ranger le matériel et raccompagner les créatures étudiées dans leur milieu naturel. Avec les cinquième année ils avaient aujourd'hui étudié les licornes. Voir tous ces visages s'illuminer à la vue de telles créatures avait été un plaisir sans pareil pour le jeune professeur. Il se souvenait très clairement de la première fois où, lui aussi, avait fait connaissance avec l'une de ces merveilles de la nature magique. A couper le souffle, il avait passé des nuits à en rêver. Mais si transmettre son savoir aux étudiants lui procurait une certaine satisfaction, elle n'égalait pas la sérénité qui s'emparait de lui quand il arpentait la forêt interdite, rencontrant toutes sortes de créatures - plus ou moins bienveillantes - sur son passage. Le lieu était pourtant réputé hostile et même dangereux, mais pour l'ancien pensionnaire d'Azkaban le silence qui y régnait en valait la peine. Il avait de toute façon toujours été plus à l'aise en présence des animaux que des humains.

Il avait donc raccompagné les trois sublimes licornes à l'orée de la forêt et plutôt que de faire demi tout avait décidé qu'une petite balade pour terminer sa journée serait une bonne idée. Sa baguette en main - on était jamais trop prudent tout de même - il se faufila donc entre les troncs qui barraient son passage. Plus il s'enfonçait dans la forêt et plus la flore se faisait opressante, comme pour dissuader les visiteurs inconscient de s'aventurer plus loin. Mais Darius avait appris à connaître ces lieux depuis sa troisième année. Si personne ne pouvait prétendre connaître la forêt interdite comme sa poche, l'anglais pouvait dire qu'il s'en rapprochait doucement.

Un craquement au loin le fit sursauter. Toujours sur ses gardes il resserra son étreinte autour de sa baguette. Un pas, deux pas et il se retourna vivement pour faire face à une louve blanche qui ne tarda pas à montrer les crocs. Si il ne pouvait nier avoir été parcouru d'un frisson sur l'instant, un large sourire vint balayer toute marque de peur sur son visage et son regard s'attarda sur la patte avant droite de l'animal. « Tu ne m'auras plus Jeyne. J'ai trouvé comment vous différencier. » Et par vous il faisait bien évidemment référence à sa louve, pour laquelle l'étudiante peu farouche s'était faite passer, s'attirant les foudres du professeur. Il vint ancrer son regard dans les prunelles de l'animal, une lueur de défi dans les yeux. « Si tu veux mordre fais-le maintenant. Sinon va reprendre forme humaine qu'on puisse avoir une conversation entre gens civilisés. » Parce que s'il était doué pour comprendre les animaux, Darius n'avait pas encore découvert le moyen de communiquer avec eux.

welcometostorybrookes on tumblr

Darius avait recueilli Gealach - sa louve - quelques mois plus tôt, blessée, à l'orée des bois. Rejetée par une meute qui ne semblait plus avoir voulu d'elle suite à la mort de son louveteau. Le jeune professeur s'était pris d'affection pour l'animal, se retrouvant dans le regard perdu et triste de la louve. Lui aussi avait connu le rejet des siens, lui aussi avait enduré la solitude dans l'un de pires moments de sa vie. Il avait donc soigné le canidé, dormant avec l’animal plusieurs nuits de suite pour s’assurer qu’il irait bien. Peu désireux de la garder en cage – aussi dorée soit celle-ci – il la conduisit quelques semaines plus tard dans la forêt pour lui redonner sa liberté. A sa grande surprise, il atteignait juste sa cabane quand il la vit gambader jusqu’à lui. Depuis ce jour elle ne l’avait plus quitté, le suivant partout où il allait dans l’enceinte du château et l’attendant sagement lorsqu’elle n’était pas autorisé à entrer.

Jeyne, jeune étudiante intrépide et sans doute quelque peu insouciante, animagus de son état, avait pris le parti de se jouer de lui, se faisant passer pour Geal après une longue journée de travail. S’étant fait avoir une fois, le jeune professeur avait cherché par tous les moyens une manière de différencier les deux louves et l’avait découverte quelques jours plus tôt en observant Jeyne de la fenêtre de sa cabane alors qu’elle courrait vers la forêt. « Ta patte avant droite est légèrement tordue lorsque tu prends ta forme animale. J’imagine que tu t’es cassé le bras plus jeune ? » Annonça-t-il à la jeune femme qui venait de refaire son apparition, habillée et sous forme humaine. Un sourire satisfait étira ses lèvres, bien heureux de ne plus pouvoir se faire avoir comme un débutant à l’avenir. Remarquant le regard de la jeune fille qui furetait ses vêtements comme si elle cherchait à voir à travers il sortit une chocogrenouille de l’une de ses poches et la lui tendit. « C’est tout ce que j’ai, tu devras t’en contenter. »

Alors qu’elle s’occupait de l’emballage de sa friandise nouvellement acquise, l’anglais baissa les yeux vers ses doigts ensanglantés et haussa les épaules. « J’ai connu pire t’en fais pas. » Répondit-il d’une voix monocorde alors que son regard se voilait. A dire vrai il n’avait presque rien senti. Peu de gens de son entourage savait pour son petit séjour à Azkaban, et aucun d’entre eux ne savait vraiment ce qu’il avait pu y vivre. Il n’en parlait jamais, il préférait oublier. Mais il ne fallait pas être une lumière pour imaginer ce qu’un jeune sorcier avait pu subir, enfermé avec les pires criminels du monde magique… Il secoua la tête pour se redonner contenance et un sourire vint de nouveau étirer ses lèvres alors qu’il envoyait balader au loin ses anciens cauchemars. « Tu sais qu’on appelle pas ce lieu forêt interdit pour rien ? » Plaisanta-t-il en jetant un regard alentour, s’assurant que d’autres têtes brûlées ne s’étaient pas amusé à suivre Jeyne. Darius avait encore beaucoup de mal avec son rôle de professeur quand il en venait aux punitions ou remontrances. Il avait été un élève turbulent, s’était dressé contre le système de points qu’il avait souvent jugé injuste et ne comptait plus les heures de retenu qu’il avait accumulées au cours des années. Alors se retrouver à faire la morale et donner des sanctions aux élèves… Mais il y travaillait. Et son côté sadique s’en réjouissait même parfois !

Darius connaissait trop bien la curiosité de Jeyne pour penser qu’elle ne relèverait pas sa remarque au sujet de ses blessures. Il esquissa un pâle sourire. Elle avait souvent essayé de lui faire parler de son passé, mais il ne s’était jamais senti prêt. Ni avec elle, ni avec qui que ce soit d’autre. Il n’avait même livré que quelques bribes à Ena et Moira. Pour la première les questions avaient fusées la première fois où elle avait vu sa peau encore douloureusement marqué. Il avait d’ailleurs détesté le regard qu’elle avait posé sur lui cette nuit là, emprunt d’une grande tristesse et d’une certaine pitié. Il ne pouvait la blâmer, il savait ses blessures impressionnantes, et Ena était au courant de son passage à Azkaban, elle s’était donc probablement imaginé les pires horreurs. Mais il n’avait pas été en mesure d’affronter l’air effrayé qui avait transformé son visage à la vue de ses cicatrices. « Pire. Bien pire. » Souffla-t-il dans un murmure presque inaudible. Puis il leva un regard vers la jeune femme et lui adressa un clin d’œil. « Mais n’assombrissons pas cette escapade de lourds souvenirs. » Conclu-t-il en tentant d’insuffler un peu plus de légèreté et de gaîté dans la conversation. Il regarda la blonde commencer à s’agiter alors que son débit de paroles se faisait plus important que la normal – et croyez-le c’était déjà beaucoup. Les familiarités de sa jeune élève ne le faisaient même plus bondir. Du moins lorsqu’ils étaient tous les deux. Quand elle se permettait de le tutoyer en cours il ne pouvait s’empêcher de froncer les sourcils pour lui faire comprendre qu’un tel comportement était à éviter. Mais finalement, leur relation le faisait sourire.

Jeyne lui rappelait l’élève qu’il avait été. Il savait qu’il aurait du reporter au Directeur les escapades nocturnes de la jeune fille et le fait qu’elle soit devenu animagus sans même en informer le ministère, mais à quoi bon ? Elle ne faisait de mal à personne, et il était là pour veiller à ce qu’aucun mal ne lui soit fait non plus. Elle était intrépide, parfois même insouciante, mais elle avait au moins le mérite de vivre comme elle l’entendait, et c’était quelque chose que Darius respectait énormément. Il admirait même cette volonté chez une si jeune sorcière alors que la plupart de ses camarades dévoraient la rubrique potins de la Gazette et se faisaient les ongles en chantant. Oui, ce petit bout de femme était devenu un rayon de soleil indispensable à la vie de l’ancien prisonnier.

« Bordel Jeyne tu veux pas ralentir ? » Il ne pouvait le parier mais il avait l’intime conviction que sa forme lupine avait une certaine influence sur ses capacités et notamment sur son endurance. Il la rattrapa enfin, à bout de souffle alors qu’il débouchait sur une petite clairière. Le regard de la jeune femme furetait les alentours et son petit nez en trompette se fronçait comme si elle avait été entrain de renfiler l’air ambiant. Il rit doucement devant ce spectacle. « Jeyne… Les centaures ne se montreront pas. Et puis, tu es bien trop bavarde pour eux, ils aiment le silence et la tranquillité, je suis persuadé que l’un d’eux t’assommerait de son arc s’ils venaient à croiser ton chemin. » Se moqua-t-il gentiment alors que son propre regard se mettait à scruter les arbres comme pour s’assurer de ses dires. Il était en bons termes avec les quelques centaures qui peuplaient les environs, mais il savait aussi que ces derniers aimaient assez peu que les élèves se baladent librement en ces lieux. Il préférait donc éviter tout conflit inutile et rebrousser chemin. Il attrapa la jeune fille par le bras lui intiment de le suivre sans rechigner. « Un thé bien chaud dans ma cabane ça te dit ? »